HISTORIQUE

La défense des immigrants Haïtiens

Dès novembre 1972, le BCCHM. offre les services de conseillers aux nouveaux arrivants lors des « enquêtes spéciales» tenues à certains centres d’immigration dans le cadre de l’Association pour la défense des droits des immigrants au Québec. Voici comment Paul Déjean décrit, dans son livre Les Haïtiens au Québec, le traitement infligé à ses compatriotes à Toronto : « Ils sont vite repérés par les agents de l’Immigration et parqués, parfois sans ménagement, dans un coin de la salle. Entre-temps, le vol repart pour Montréal, laissant sur place trente, quarante, soixante passagers qui doivent s’accommoder des bancs et de leurs effets pour passer leur première nuit à l’étranger. ( Déjean, 1973 : 157). À la fin de décembre 1972, nous avions fini par obtenir, de haute lutte, que les enquêtes spéciales de Toronto soient transférées à Montréal, lieu de destination des nouveaux arrivants.» (Déjean, 1973 : 158). Le BCCHM mobilise, par la voix de son directeur, des secteurs entiers de la société québécoise : syndicats, Églises, paroisses, partis politiques, universités, institutions scolaires, groupements et organismes populaires, groupes professionnels, pour former à la fin de septembre 1974 le C.A.D. (Comité anti-déportation) aboutissant à ce qui est désormais appelé: Opération 1500. Celle-ci est déjà terminée en 1975. Grande victoire pour les immigrants haïtiens autorisés à rester au Canada. En 1980, le gouvernement du Québec, par l’entremise de son ministre de l’Immigration, Monsieur Jacques Couture, accorde l’amnistie générale pour les immigrants haïtiens sans papiers déjà installés ici. C’est encore une très grande victoire pour le BCCHM.

La lutte contre le racisme dans l'industrie du taxi à Montréal

Au début des années soixante-dix, un groupe d’immigrants majoritairement d’origine modeste, arrivent au Québec. Parmi eux se trouvent des personnes qui ont déjà acquis une bonne expérience comme chauffeurs de taxi. Voilà pourquoi ils se lancent à la recherche d’emplois dans ce secteur. Plusieurs d’entre eux sont acceptés par des compagnies oeuvrant dans les secteurs Nord et Est de Montréal. Ailleurs, les portes sont fermées, verrouillées. Les compagnies concurrentes orchestrent toute une campagne publicitaire autour du fait qu’elles n’engagent pas des chauffeurs de race noire. Ce qui «force» les employeurs de chauffeurs haïtiens, pour sauvegarder leur intérêt, à répliquer en adoptant une attitude similaire. Au mois de mai 1974, des représentants des chauffeurs de taxi haïtiens débarquent au BCCHM pour solliciter l’aide de l’organisme. Les actions sont multiples en ce sens. L’organisme intervient immédiatement auprès de ces compagnies au comportement raciste, entre en contact avec un cadre de la Commission des droits de la personne du Québec, manifeste sa présence sur les ondes de la radio, de la télévision et dans la presse écrite pour dénoncer l’injustice faite aux travailleurs haïtiens. Malgré tout cela, des chauffeurs blancs de S.O.S. Taxi fondent une coopérative exclusive, privant ainsi leur ancienne compagnie d’une partie de ses recettes. Pour protéger sa part du marché, la direction de ladite entreprise congédie une vingtaine de chauffeurs haïtiens. La lutte est féroce. La bataille est gigantesque.

Le combat contre l'ostracisme

Au début des années quatre-vingt, un mal mystérieux s’abat sur les pays occidentaux excessivement jaloux de leur sécurité physique et mentale. Comme dans la fable de La Fontaine, ce mal répand la terreur. Tous ne sont pas atteints, mais tout le monde peut en être frappé. Le SIDA (Syndrome d’immunodéficience acquise) fait ouvertement son apparition. Scientifiquement parlant, il est et ne peut être attrapé que par le contact sanguin. On observe que les homosexuels et les hémophiles sont plus souvent que d’autres, porteurs du virus. Des Haïtiens sont aussi touchés à un taux relativement élevé, quand on considère leur nombre au Québec en valeur absolue. Le bouc émissaire vient d’être trouvé. L’équation est tout de suite établie, mais de façon erronée H+H+H+H= S.I.D.A. Pour défendre la fierté de la communauté, le BCCHM réagit avec véhémence à la campagne de diffamation menée tambour battant par certains médias et journalistes.

L'alphabétisation et l'éducation des jeunes

En 1973, conscient de l’importance que revêt pour les immigrants l’apprentissage de la langue du milieu d’accueil, le B.C.C.H.M. participe à la création d’un centre de perfectionnement du français. C’est le premier service d’alphabétisation offert. Il sera transformé plus tard en atelier d’alphabétisation. Les résultats, après cinq ans, ne sont pas concluants. On décide alors d’alphabétiser dans la langue maternelle. Le Centre Na Rive est né. On y apprend la lecture, l’écriture en créole, et l’expression orale en français. L’organisme existe encore aujourd’hui. Il est la cheville ouvrière du processus d’intégration de nombreux immigrants haïtiens à la société d’accueil. On notera aussi, dans le même ordre d’idées, la fondation de la garderie : Ami- Soleil.

L'utilisation des médias comme fenêtre d'intégration

En 1980, le BCCHM contribue, avec Karl Lévêque, Rosemay Eustache et Madame Louise Harel, à la création de la radio communautaire francophone de l’Est de Montréal (C.I.B.L- FM). Paul Déjean y introduit l’émission Konbit, alors que Karl Lévêque assure la dimension culturelle avec Les Flamboyants. La fusion de ces deux volets fera école dans les communautés haïtienne et québécoise jusqu’en janvier 2005. La télévision communautaire n’est pas non plus négligée.

La société d'accueil est reconnaissante

Le 28 mars 1985, le ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration du Québec, en la personne de Monsieur Gérald Godin, décerne «le prix des Communautés culturelles à M. Paul Déjean pour l’ouvre remarquable qu’il a accomplie pour le BCCHM au sein de la communauté haïtienne et pour l’attention particulière qu’il a accordée aux besoins de ses membres.»